Invisible Girlfriend, ou en français une sorte de « Ma petite amie invisible », c’est une nouvelle appli, ou plutôt un nouveau service qui vient de voir le jour. Le principe? Donner tous les signes extérieurs possibles d’une relation existante avec une femme pour en profiter à plein, donner le change à l’extérieur et vivre sa vie comme bon vous semble, débarrassé du fardeau de la convention sociale. Avec une gradation des services en fonction du prix payé par mois: Just Talking », qui pour 7 euros feint une dulcinée par des textos, des appels automatiques et des cadeaux ; « Getting Serious », qui pour 23 euros change votre statut Facebook et laisse des vrais messages vocaux sur votre téléphone ; « Almost Engaged », qui pour 43 euros par mois propose carrément une petite amie customisée et des appels téléphoniques live.
Trop bien! Enfin un service utile pour tous ceux qui veulent s’inventer une petite amie. Précisons par ailleurs que le pendant féminin de l’appli verra bientôt le jour sous le nom, j’imagine, de « Invisible Boyfriend », à moins que le créateur et le designer ne soient facétieux et inventent autre chose comme « je ne suis pas libre », « casse-toi lourdaud » ou « tu viens de prendre un vent abruti ». Car ne nous voilons pas la face, la majorité des utilisateurs de ces applis seront sûrement à la recherche principalement de deux choses: éloigner les soupirants inconvenants et libidineux d’une part, rassurer la société, et en premier lieu les parents, sur l’existence d’une relation « normale à ton âge » d’autre part, cédant en cela à la pression sociale ambiante.
Ca c’est sur le principe. Parce qu’immédiatement surgissent dans mon esprit pervers trois limites et ou détournements possibles du service. Premièrement, et c’est une limite, celle de la confrontation au réel, au vrai. Celle de parents mi-narquois, mi-interloqués, en mode « et tu nous la présentes quand cette Coralie? Tu ne veux pas? Tu as honte de nous? », qui fait que la discussion qui s’ensuit est encore plus insupportable que n’aurait été le simple aveu originel, au choix, d’une vie de célibataire assumée ou d’une homosexualité qui restait cachée, situations parfois difficiles à vivre et causes de l’utilisation du service. Il est évident que cette limite sera le principal handicap pour une utilisation à long terme de Invisible Girl/Boyfriend. Mais entretemps il y a quand même de quoi s’amuser un peu et se ménager quelques mois de tranquillité, quitte à louer les services d’une petite amie réelle, quoiqu’imaginaire, pour calmer des interlocuteurs trop pressants et s’accorder un peu de répit. Le cinéma et la littérature regorgent d’exemples de ces quiproquos, même si en général la supercherie est vite découverte.
Deuxième problème: quid de l’utilisation à revers du service, au sens de « Invisible Girlfriend » alors qu’on est une femme? Ou « Invisible Boyfriend » alors qu’on est un homme? Est-ce que le service a été configuré pour intégrer cet usage? Est-ce que IG fait de votre petite amie imaginaire une caricature de la fille, jalouse et possessive, auquel cas cela pourrait être vaguement compatible avec une interlocutrice fille lesbienne, mais à la marge seulement? Est-ce que IB fait de votre petit ami un amateur de foot, bars et PlayStation, bref un cauchemar d’hétéro-beauf pour un gay bien constitué? Quid par ailleurs d’une utilisation malveillante du service, mis en service à votre insu et vous attirant ainsi bien des problèmes? Quelle mauvaise blague à faire en effet…
Troisième problème, et sûrement le plus pernicieux: l’effet rebours. Chaque jeune père de famille accompagnant seul son ou ses enfant(s) au parc aura déjà expérimenté ces regards compassés et envieux, voire langoureux, de femmes qui savent pour autant pertinemment que cet homme n’est pas libre. Moins un homme est libre, plus il est en couple et plus il devient attirant et séduisant aux yeux de nombre de femmes, qui ne sont pas toutes cinglées et attirées par la théorie de l’échec. C’est un fait avéré, et l’inverse (des hommes attirés par des femmes mariées ou maquées) est parfaitement vrai aussi.
IG et IF pourraient alors devenir ce qu’ils n’étaient pas à l’origine: des moyens ultimes de drague… Et quand on sait à quel point le business de l’infidélité explose actuellement, à coups de Glee, adopteunmec ou chambres à louer à l’heure, c’est même presque l’assurance de relations éphémères et ponctuelles. On est loin du grand amour, mais est-ce bien là ce qui intéresse nos utilisateurs? Une chose est sûre en tous cas, IG/IB ou pas, la vérité reste essentielle pour une relation vraie, et ça ça reste rassurant. Pour l’instant en tous cas…