Invisible Girlfriend ou l’instrumentalisation de la mythomanie

Invisible Girlfriend : l’application qui invente la petite amie imaginaireInvisible Girlfriend, ou en français une sorte de « Ma petite amie invisible », c’est une nouvelle appli, ou plutôt un nouveau service qui vient de voir le jour. Le principe? Donner tous les signes extérieurs possibles d’une relation existante avec une femme pour en profiter à plein, donner le change à l’extérieur et vivre sa vie comme bon vous semble, débarrassé du fardeau de la convention sociale. Avec une gradation des services en fonction du prix payé par mois: Just Talking », qui pour 7 euros feint une dulcinée par des textos, des appels automatiques et des cadeaux ; « Getting Serious », qui pour 23 euros change votre statut Facebook et laisse des vrais messages vocaux sur votre téléphone ; « Almost Engaged », qui pour 43 euros par mois propose carrément une petite amie customisée et des appels téléphoniques live.

Trop bien! Enfin un service utile pour tous ceux qui veulent s’inventer une petite amie. Précisons par ailleurs que le pendant féminin de l’appli verra bientôt le jour sous le nom, j’imagine, de « Invisible Boyfriend », à moins que le créateur et le designer ne soient facétieux et inventent autre chose comme « je ne suis pas libre », « casse-toi lourdaud » ou « tu viens de prendre un vent abruti ». Car ne nous voilons pas la face, la majorité des utilisateurs de ces applis seront sûrement à la recherche principalement de deux choses: éloigner les soupirants inconvenants et libidineux d’une part, rassurer la société, et en premier lieu les parents, sur l’existence d’une relation « normale à ton âge » d’autre part, cédant en cela à la pression sociale ambiante.

Ca c’est sur le principe. Parce qu’immédiatement surgissent dans mon esprit pervers trois limites et ou détournements possibles du service. Premièrement, et c’est une limite, celle de la confrontation au réel, au vrai. Celle de parents mi-narquois, mi-interloqués, en mode « et tu nous la présentes quand cette Coralie? Tu ne veux pas? Tu as honte de nous? », qui fait que la discussion qui s’ensuit est encore plus insupportable que n’aurait été le simple aveu originel, au choix, d’une vie de célibataire assumée ou d’une homosexualité qui restait cachée, situations parfois difficiles à vivre et causes de l’utilisation du service. Il est évident que cette limite sera le principal handicap pour une utilisation à long terme de Invisible Girl/Boyfriend. Mais entretemps il y a  quand même de quoi s’amuser un peu et se ménager quelques mois de tranquillité, quitte à louer les services d’une petite amie réelle, quoiqu’imaginaire, pour calmer des interlocuteurs trop pressants et s’accorder un peu de répit. Le cinéma et la littérature regorgent d’exemples de ces quiproquos, même si en général la supercherie est vite découverte.

Deuxième problème: quid de l’utilisation à revers du service, au sens de « Invisible Girlfriend » alors qu’on est une femme? Ou « Invisible Boyfriend » alors qu’on est un homme? Est-ce que le service a été configuré pour intégrer cet usage? Est-ce que IG fait de votre petite amie imaginaire une caricature de la fille, jalouse et possessive, auquel cas cela pourrait être vaguement compatible avec une interlocutrice fille lesbienne, mais à la marge seulement? Est-ce que IB fait de votre petit ami un amateur de foot, bars et PlayStation, bref un cauchemar d’hétéro-beauf pour un gay bien constitué? Quid par ailleurs d’une utilisation malveillante du service, mis en service à votre insu et vous attirant ainsi bien des problèmes? Quelle mauvaise blague à faire en effet…

Troisième problème, et sûrement le plus pernicieux: l’effet rebours. Chaque jeune père de famille accompagnant seul son ou ses enfant(s) au parc aura déjà expérimenté ces regards compassés et envieux, voire langoureux, de femmes qui savent pour autant pertinemment que cet homme n’est pas libre. Moins un homme est libre, plus il est en couple et plus il devient attirant et séduisant aux yeux de nombre de femmes, qui ne sont pas toutes cinglées et attirées par la théorie de l’échec. C’est un fait avéré, et l’inverse (des hommes attirés par des femmes mariées ou maquées) est parfaitement vrai aussi.

IG et IF pourraient alors devenir ce qu’ils n’étaient pas à l’origine: des moyens ultimes de drague… Et quand on sait à quel point le business de l’infidélité explose actuellement, à coups de Glee, adopteunmec ou chambres à louer à l’heure, c’est même presque l’assurance de relations éphémères et ponctuelles. On est loin du grand amour, mais est-ce bien là ce qui intéresse nos utilisateurs? Une chose est sûre en tous cas, IG/IB ou pas, la vérité reste essentielle pour une relation vraie, et ça ça reste rassurant. Pour l’instant en tous cas…

Amour sacré de la patrie…

… « Combats avec tes défenseurs ». Avant de songer à dérouler le deuxième couplet de La Marseillaise, chose dont je serais moi-même incapable, beaucoup s’interrogent sur le premier de ces couplets, et sur la capacité de certains à le connaître, et donc à le chanter. Je ne parle pas là de tout un chacun, mais de gens qui ont l’occasion de chanter en public, et de démontrer au choix leur capacité ou leur volonté de le faire, et au premier rang d’entre eux nos amis les footballeurs de l’équipe de France. Que n’a-t-on pas lu et entendu sur ce sujet, sur cette équipe , au gré de ses résultats, délicieusement black-blanc-beur ou curieusement bigarrée, alternativement totalement ou absolument pas représentative de la France, ou en tous cas de l’idée que s’en fait l’émetteur… C’est vrai que pour les tenants de la France « blanche et éternelle », cette équipe est loin d’être idéale.

Mais l’a-t-elle jamais été? Dans les années 50 (non je n’étais pas né, arrêtez!), ses héros s’appelaient certes Fontaine ou Vincent, mais aussi Kopa (diminutif de Kopazweski) et Piantoni. Français, « blancs », mais aux consonnances polonaises ou italiennes, soit les reubeus de l’époque, subissant les mêmes ségrégations et crises de racisme. Dans les années 70, la France se targuait de sa « garde noire » Trésor-Adams, avec la même affection affectée que celle que la France guerrière avait pour les tirailleurs sénégalais, toujours prompts à la défendre mais toujours envoyés par elle à se sacrifier en première ligne. Et les héros des 80s s’appelaient Ettori, Baratelli, Castaneda, Tigana, Bellone, Fernandez, Stopyra, etc…, et… Platini évidemment. Des générations d’immigration « digérée » mais que déjà Jean-Marie Le Pen stigmatisait, contrairement à Janvion et ses consors antillais si représentatifs de cette « France du bout du monde » chère à son oeil (je doute qu’il ait un coeur). Et que dire de la suite? Cantona, ça fait alsacien comme nom? Desailly il a le look berrichon? Zidane c’est normand? Henry il ressemble à un savoyard? Non bien évidemment, et l’histoire (glorieuse) du football français est constellée de joueurs aux origines diverses, mais parfaitement représentatifs de la diversité de la France et de l’intégration plus ou moins facile des différentes phases d’immigration.

Et la Marseillaise dans tout ça? Platini dit qu’il ne la chantait pas, et personne ne lui en tenait rigueur à l’époque. Tigana la massacrait en chantant faux à tue-tête, et était en cela beaucoup plus répréhensible qu’un Benzema qui ne s’y risque pas (voire?…). Le problème, c’est que cet hymne national officiel est aussi le seul chant inventé par les fans pour supporter leur équipe en France (cf cette Marseillaise improvisée à la fin de France-Ukraine), contrairement aux autres pays. Prenons l’exemple d’un autre pays chauvin et fier de son identité: l’Angleterre. Aucun supporter n’a jamais chanté God Save The Queen pour encourager son équipe, mais le public du rugby a inventé « Swing Low, Swing Chariot »: un hymne qu’aucun joueur ne peut ignorer, évacuant ainsi le problème encombrant de la connaissance ou de l’envie de chanter God Save The Queen, en dehors du passage obligé de l’hymne officiel avant le match.

Mais foin de polémique sur la collusion entre l’hymne national et le chant de supporter, le vrai problème se situe aujourd’hui sur la juxtaposition de deux choses: la fierté d’être français et celle de porter le maillot national. Autrefois les choses allaient de soi: on était joueur de l’équipe de France, fier de cela, et fier d’être français. Tout allait de pair. Karembeu a ouvert une brêche en 1998 en expliquant se sentir avant tout kanak avant d’être français, même si la Nouvelle-Calédonie fait partie intégrante de cette « France du bout du monde » (in Jean-Marie Le Pen, Morceaux Choisis). C’est bien le problème: la société française se voit blanche, catholique et forte, donc caldoche en l’occurence. Un joueur se revendiquant kanak ne peut donc pas porter ses couleurs (d’ailleurs Karembeu n’a jamais chanté la Marseillaise). Cqfd et début des emmerdes. En mars 2013, Karim Benzema (aussi français que Zinedine Zidane comme nom, non?) nous explique que « son pays c’est l’Algérie, la France c’est pour le côté sportif », à une époque où par ailleurs il n’enquille pas un but pour ladite Equipe de France, mais plante pour le club qui le paie (grassement), à savoir le Real Madrid. Quelle funeste erreur de communication… Né à Lyon, inéligible pour le maillot de l’Algérie quand bien même il le voudrait, contraint donc de porter celui de la France, voilà que Benzema ouvre son coeur et s’engouffre dans la dichotomie fierté du maillot / fierté du pays, s’attirant ainsi les foudres de la société française que l’amalgame arrangeait.

Et que dire des problèmes de religion? Ribéry, « bon blanc » d’origine, converti ensuite à l’Islam, a-t-il le droit de porter ce maillot et d’entrer sur la pelouse en priant Allah? Pogba est talentueux, mais faut-il qu’il exprime sa foi aussi sur le terrain? Etc… La société blanche, catholique et forte en prend en coup, et surtout elle se prend en pleine face une réalité qu’elle voit par ailleurs tous les jours autour d’elle. Déjà que c’est dur à vivre au quotidien, mais là, dans un cadre comme celui de l’équipe de France…

Le vrai problème n’est pas cet état de fait, mais la publicité qui en est faite par tous, media et surtout joueurs. Benzema a le droit de ne pas chanter la Marseillaise et de penser ce qu’il pense, pas de le dire. La suffisance et la bêtise sont du côté de Nasri quand il impose un doigt sur la bouche aux journalistes présents en tribunes qui l’ont critiqué, alors qu’il vient fièrement de marquer pour le maillot bleu, à défaut de celui la France. Que dire d’Evra et Knysna? Une analyse claire et un peu d’auto-critique ne nuiraient pas au moment de faire le bilan individuel de ces comportements qui n’ont contre eux que l’absence de jugeotte, de bon sens et d’humilité. Cette équipe est aimable et aime son maillot, à défaut d’aimer la France. En cela, elle est exactement à l’image du pays qu’elle est supposée défendre, mais dont elle se défend plus qu’à son tour.

Peur sur la ville

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« La vengeance de Minos sera terrible ». Je sais pas vous, mais moi, à l’époque (le film éponyme date de 1974), il me foutait sacrément les jetons, le tueur à l’oeil de verre du film. Heureusement il y avait le Commissaire Letellier, aka Belmondo, avec ses gros biceps et sa petite tronche (c’est pas moi qui l’affirme, c’est lui dans le film), pour le poursuivre et le mettre finalement hors d’état de nuire. Mais quand même, d’ici la fin, je n’en menais pas large…

La bonne nouvelle en revanche, c’est que le susnommé Minos était certes un peu détraqué, mais qu’en revanche il avait une raison de tuer, une quête: purifier la société et punir les femmes légères et volages de leurs moeurs dépravées. Bon j’avoue qu’à 8 ans à l’époque je n’y comprenais pas grand chose, et je ne remercie pas mes parents embarrassés qui officiellement n’y comprenaient rien non plus, sciant d’eux-mêmes et incidemment le piédestal de l’ominiscience qu’ils avaient construit auprès de moi. Il n’empêche, au moins c’était clair, et Belmondo avait la partie facile après pour choper l’infâme (qu’est-ce qu’il le faisait bien quand même…), ne serait-ce que parce que le tueur à l’oeil de verre revendiquait ses crimes et expliquait tout bien à chaque fois.

Mais, me direz-vous, pourquoi évoquer un film d’il y a presque 40 ans maintenant (c’est bien ça, Belmondo a bien 80 ans maintenant…)? Parce que depuis ce matin, et au moment où j’écris ces lignes (16h30), j’ai l’impression de vivre en live ce film, de voir sur les chaînes info un remake, mais sans Belmondo… Le problème, c’est que je ne comprends pas les motivations de cet abruti. Soit il en veut aux media en général, et alors pourquoi s’en prendre à une banque? Soit il est d’extrême droite, et alors pourquoi attaquer BFM TV? Soit il est d’extrême gauche, et alors pourquoi sévir à Libération? Bref, je me perds en conjectures et ne comprends pas la psychologie de ce taré qui, s’il voulait tuer un max de personnes, aurait très bien pu faire un carnage sur l’Esplanade de la Défense. Quelles sont ses motivations et ses buts? Honnêtement aucune idée…

Et c’est bien le problème… La terreur est d’autant plus grande que personne n’a la moindre idée de ce qui le pousse à agir, et qu’il peut donc sévir partout, tout le temps, pour n’importe quelle raison. Tout le contraire du film donc. Mais surtout cette folie furieuse (c’est bien le propre d’une folie qui ne semble suivre aucune logique, même une logique propre à l’individu) inquiète parce qu’elle est révélatrice d’une époque. Une époque où tout et son contraire sont possibles en même temps, et émanant de la même personne. Une époque où plus aucune limite n’existe, et où tous les endroits sont désormais visés et visables: après les media, quid des écoles (oui je sais ça s’est déjà vu plusieurs fois, entre Human Bomb à Neuilly et Ozah Torah / Mohammed Merah à Toulouse), des églises, des mairies, etc…? Bon ok, il y a toujours eu des tarés à toutes les époques, et ce que nous vivons aujourd’hui n’est pas à la fois si nouveau, ni si propre à notre époque. Il n’empêche, j’ai du mal à le formaliser, mais je trouve que cet épisode dramatique tombe très mal, mais fort à propos dans un pays en plein marasme et qui en plus est en passe de ne pas se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde au Brésil (aucun rapport, mais ça n’arrange pas le moral, convenons-en). Comme si cet abruti sans logique était le ènième symbole d’un pays ivre qui va dans tous les sens pour finalement rester au point de départ, paralysé et engoncé dans ses propres angoisses et sa frilosité.

Cette impression n’est fondée sur rien de précis, et c’est d’ailleurs pour cela qu’il ne s’agit que d’une impression, qui plus est personnelle, et je ne prétends pas imposer de conclusions à quiconque. Je trouve juste que, objectivement, on s’en serait bien passé et que cette histoire est la goutte d’eau en plus, celle qui n’arrange rien à un climat ambiant fait de bananes, de guenons, de Cahuzac, de Marine, de Nasri, de Hollande à 15%, bref d’une perte totale de valeurs et de repères. Et en dehors de cet hurluberlu qui sévit, oui, j’ai peur. Peur sur et surtout pour la ville, voire le pays. Et d’autant plus que là, ce n’est pas un film, et qu’en plus Belmondo vient de fêter ses 80 ans…

Et on tuera tous les affreux

http://next.liberation.fr/beaute/2013/11/07/cafe-georges-les-moches-au-fond-merci_945311?xtor=rss-450

Les Costes ne possèdent pas seulement l’hôtel restaurant éponyme. Ils ont aussi dans leur escarcelle quantité d’autres établissements parisiens, dont l’Avenue (pour avenue Montaigne), l’Esplanade (pour esplanade des Invalides) ou encore le Georges (pour le restaurant du Centre Georges Pompidou, Beaubourg pour les intimes). Outre le fait que leur nom ne brille pas par leur originalité, démontrant à l’inverse une remarquable capacité mnémotechnique (« on se retrouve à l’esplanade des Invalides ». « Où ca? ». « On n’a qu’à dire… à l’Esplanade »… Et hop du business), ces établissements ont en commun une politique tarifaire proche de l’escroquerie caractérisée, une carte réduite et dans l’air du temps, mais assez bonne, et une certaine façon d’être qui fait qu’on y regarderait à deux fois avant de s’y pointer en short et tongs, sous peine d’essuyer un refus poli, mais motivé… Bref, des endroits à la mode où Jacques Garcia a bien fait son travail.

Mais depuis peu un nouveau critère semble avoir été ajouté, au moins « officiellement » dans l’un d’entre eux, le Georges (comme Georges Pompidou donc, vous avez suivi): le délit de sale gueule / look / feeling, appuyé par le regard synoptique des serveuses insupportables qui font toujours la gueule et vous jugent de pied en cap en une seconde (en aurais-je déjà été victime? Dîtes-moi que non…). Je dis « officiellement » parce qu’apparemment cette pratique ancestrale a été percée à jour et révélée récemment, mais il est évident qu’elle existe partout depuis bien longtemps, et pas qu’au Georges. Je ne citerais, pour l’exemple, que la majorité des boîtes un peu courues où le videur (ne dit-on pas physionomiste maintenant, histoire d’annoncer la couleur) vous annonce invariablement que, même un lundi soir de mars, « c’est une soirée privée, désolé ».

Au Georges, les moches / pas dans le style ne sont pas refusés, mais donc gentiment invités à s’asseoir au fond, dans les places les plus éloignées, loin des regards et surtout placés de façon à ne pas « gâcher la vitrine » de ceux qui arrivent dans l’établissement et en feront, eux, une promotion positive. « Les moches au fond », comme l’explique très bien cet article. Scandale? Ségrégation? Oui peut-être mais bon? Rien de plus normal après tout non? Si personnellement je tenais ce type d’établissement « en vue » et y pratiquais les prix qui y sont pratiqués, j’aurais sûrement à coeur de justifier ces prix et d’assurer une prestation constante afin d’éviter les mauvaises surprises. Si le décor « mort » est assuré par Garcia et sans faute flagrante de goût, les autres clients sont l’âme et l’ambiance de l’endroit. Ce « décor vivant » ne peut se permettre de ne pas être au niveau du reste, et, même si cette pratique reste répréhensible sur le fond, elle n’en est pas moins compréhensible, voire excusable… Bon, si le même moche est connu et hype, l’affaire sera bien sûr différente, mais cela a moins de chances d’arriver, quoique… (je vous dis ça parce que la photo d’illustration de l’article que j’ai choisie me fait furieusement penser à l’idée que je me fais de Robert Smith, le chanteur des Cure, maintenant…).

Le seul problème, c’est le fait de faire en sorte que les beaux et cools se retrouvent systématiquement entre eux, comme ils le font déjà le reste de l’année à La Voile Rouge, à Gstaad, Saint-Barth, etc…, même si on parle là plus de ghettos de riches que de ghettos de beaux, mais souvent les beaux ne sont pas très loin. Ca ne fait pas beaucoup avancer la société, mais ce n’est pas le but des Costes non plus… En revanche, cette image lissée et parfaite ne fait que concourir à l’apprentissage de l’eugénisme que la société moderne est en train de nous concocter. Songeons que le séquençage d’un ADN coûtait 2 millions d’Euros en 2000, 1000 Euros aujourd’hui et demain 100, voire 10. Demain 100 Euros pour connaître la prédisposition de son enfant pour, au choix, les yeux bleus, les cheveux blonds, plus d’un mètre 85 (si on a les critères d’Abercrombie & Fitch ou du IIIème Reich, ce qui revient au même), ou tout l’inverse si on préfère le latin lover façon Andy Garcia (quelqu’un a des nouvelles depuis 1989, d’ailleurs?). Bref, un bébé « à la carte » où, sous couvert de connaître les prédispositions pour telle ou telle maladie, on pourra tout sélectionner pour obtenir un « bébé parfait ».

Heureusement tous les goûts sont dans la nature et il y a fort à parier que tous les types de beauté seront représentés. Mais des beaux uniquement, rien que des beaux à perte de vue… Quelle horreur! Boris Vian, visionnaire s’il en est, avait publié dans les années 50 sous le pseudonyme de Vernon Sullivan (celui-là même qu’il avait aussi utilisé pour écrire « J’irai cracher sur vos tombes ») un roman futuriste intitulé « Et on tuera tous les affreux ». En gros il imagine avant l’heure un monde où il n’y a que des beaux, où on tue tous les moches, et qui ronronne sec en s’emmerdant grave jusqu’au jour où un « affreux » qui a survécu surgit, attire tous les regards, notamment féminins, collectionne les succès et révolutionne la société normée précédemment construite. Et ne finit assurément pas, j’imagine, au fond chez Georges…

Dieu ou l’irresponsabilité

Un petit amendement a été apporté récemment au « Notre père », information qui sera sans doute passée inaperçue aux yeux et oreilles des plus profanes d’entre vous, à savoir 90% d’entre nous. Je n’inclus pas dans ces statistiques personnelles les non-Chrétiens dans la mesure où ils n’en ont rien à foutre, et je les comprends, et où ils ont d’autres chats à fouetter déjà de leur côté à traquer le porc, les fruits de mer et toutes autres sortes de conneries que leur religion leur aura gentiment interdit de manger (entre autres). C’est vrai que quand on en est, de mémoire, à par exemple 612 commandements et interdictions dans la religion juive, on n’a pas forcément envie d’un truc de plus, mais plutôt d’un truc de moins. Enfin moi ce que j’en dis…

Revenons donc au « Notre père » chrétien. Parmi les nombreuses exhortations et incantations qui montent tous les dimanches des 17 personnes qui vont régulièrement à l’église, et indépendamment du « délivre nous des pédés » que certains éructent ailleurs dans des manifs grotesques, il y avait traditionnellement « ne nous soumets pas à la tentation et délivre-nous du mal ». Dorénavant il faudra dire « ne nous laisse pas entrer en tentation », et n’oublie pas quand même de nous délivrer du mal au passage (non, le mal n’inclut pas l’homosexualité).

Arrêtons-nous sur ce changement sémantique. « Ne nous soumets pas à la tentation » sous-tend l’idée que Dieu décide de tout, voit tout, organise tout, et que, dans sa grande perfidie, a même créé un concept qui n’appartient qu’à lui: la tentation… Une définition s’impose:

tentation, nom féminin
Sens 1 Attrait vers une chose défendue par une loi morale ou religieuse. Synonyme attrait Anglais temptation
Sens 2 Envie. Synonyme envie Anglais temptation
Sens 3 Ce qui suscite lenvie. Synonyme appât

Bref ça a l’air bien sympa la tentation et Dieu est quand même un fieffé salaud s’il a fait exprès de la créer pour que nous, pauvres cloches, tombions bêtement dedans. De quoi s’insurger et crier avec Epicure (pas le dernier des boute-en-trains cela dit): « dépêchons-nous de céder à la tentation avant qu’elle ne s’éloigne ».

Revenons maintenant à la nouvelle formulation: « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Ah mais ça change tout. La tentation existe, elle est là, tentante (c’est le cas de le dire), à portée de main, mais personne ne sait d’où elle vient. Comme si elle était une opération du Saint-Esprit (j’insiste). Qui a fait ça? Qui a créé cette fourberie? « Pas moi » répond une grosse voix venue d’en haut (terme vague qui permet de désigner toute sorte de Dieu immanent). « Ah non je n’y suis pour rien »… Ben voyons. Ils sont quand même sacrément gonflés les évêques, cardinaux et autres pédophiles… Auto-absolution directe: la tentation est bien présente, mais Dieu (qui n’est pas fourbe mais bon) ne l’a pas créée, c’est l’homme qui a créé ipso facto, parce qu’il est mauvais, les moyens et les fins de sa propre perdition.

Quelle suffisance! Quel pouvoir donné tout d’un coup à l’Homme! Et quelle irresponsabilité de la part de Dieu! Ca va, tu as créé le monde, l’homme, et tout ça, et tout ça, tu peux bien prendre la tentation pour toi aussi, non? Tu as les épaules assez larges quand même je pense, non? Ou alors tu n’es pas si fort que ça? Tu as perdu peut-être en puissance? Peut-être même que tu viens de nous faire la démonstration de… ta mort. Oui c’est ça, Dieu est mort et sa mort annonce l’avènement d’un nouvel être, le Surhomme! Quand je vous disais que ce blog parlait aussi de Nietzsche!

13 ans ou ma barmitzvah sur Facebook

Il y aura dans ma vie Internet (qui n’a rien de virtuel par ailleurs) un avant et un après 1er novembre 2013. Non pas que ce jour de Toussaint/Défunts/Halloween ait créé quoique ce soit de nouveau, ni que son caractère férié m’ait autorisé la moindre fantaisie. Et non, aucune appli de morts vivants ne s’est ouverte subitement sur mon ordi. Non, en fait, la clé de l’histoire, c’est que le 1er novembre se situe dans le calendrier peu de temps après le 10 octobre. La belle affaire me direz-vous, non sans raison.  Eh bien figurez-vous que le 10 octobre correspond ni plus ni moins à la date d’anniversaire de mon fils Benjamin, qui est aussi l’ainé de mes enfants. Et donc me rétorquerez-vous, à juste titre. Eh bien il se trouve que ce n’était pas cette année n’importe quel anniversaire, mais celui des 13 ans de Benjamin.

Et qui dit 13 ans dit que l’on a dépassé depuis un an déjà l’âge des films interdits aux moins de 12 ans, si tant est que cette interdiction ait encore un sens à l’époque de la VOD et du téléchargement. Qui dit 13 ans dit aussi l’âge, au choix pour Benjamin, de la première communion ou de la barmitzvah, même s’il a fort opportunément décidé de surseoir et de ne s’engager dans aucune religion (bon sang d’athée ne saurait mentir).  Aucune religion? Vraiment aucune? Voire… 13 ans, c’est aussi l’âge légal décrété par Facebook pour s’inscrire, stipulant ainsi et argumentant de fait que Facebook est plus dangereux pour la santé mentale que, par exemple, Sauron et tous les trolls, orques et autres monstres du Mordor réunis dans la trilogie du Seigneur des Anneaux (ce qui n’est sûrement pas faux cela dit).

Le 1er novembre 2013 donc, Benjamin Janny s’est inscrit sur Facebook, et c’est donc tout naturellement que j’ai reçu illico une friend request de sa part. J’ai d’abord cru à une blague, puisque les enfants n’ont rien à faire sur Facebook. Puis j’ai réalisé que 13 ans n’était plus tout à fait enfant, que j’ai repris si besoin était un autre coup de vieux, et que par un fait exprès cet âge correspond dans les faits au début des teen agers et des idioties sur Facebook. J’ai ensuite pensé à refuser, tout en écartant immédiatement cette pensée tant elle pouvait éventuellement se justifier de mon point de vue, mais ne trouvait aucun contrepoint du sien. Pourquoi diable mon père me refuse-t-il en tant qu’ami, se serait-il dit (il n’aurait pas employé diable je pense, lol, mdr, ptdr)? Mais Benjamin, c’est très simple: je ne suis pas ton ami parce que JE SUIS TON PERE (grosse voix caverneuse et limite asthmatique, comme sortie d’un casque ridicule avec une grille pour parler, mais c’est une autre histoire…).

Bon, j’ai beau être le père de Benjamin, je suis devenu son ami, et le premier d’entre eux, au moins chronologiquement. C’est donc sur la base de cette amitié indéfectible (Benjamin has one friend, et c’est bibi!) que j’ai vu son réseau grandir très rapidement, me rappelant mes premiers pas sur Facebook en 2007 et mon émerveillement devant autant de zones cliquables et autant de changements et d’actualités en même temps. Mais autant je vois ce que Benjamin fait (enfin, ce qu’il fait sur Facebook, donc ce qu’il veut bien raconter qui passe la limite des privacy settings que sa mère prudente aura fixés au préalable), autant il peut lui aussi voir ce que j’y fais (et ce n’est pas mon ex-femme qui a déterminé les privacy settings, en l’espèce…). Pour l’instant il n’a pas l’air de trop s’y intéresser, et je le comprends, puisqu’il m’a parlé de mon post précédent uniquement via l’accroche : « j’ai vu un truc sur un dej avec Jean-Claude, j’ai rien compris, lol, mdr, des barres… » Bon, pour l’instant, on n’y est pas encore visiblement.

Mais quelque chose me dit que cette époque d’impunité sera très bientôt révolue. Très bientôt Benjamin sera à l’affût et scrutera la moindre de mes activités Facebook, surtout s’il renseigne le champ « get notifications » à côté de mon profil. Et alors? En quoi cela est-il gênant? C’est drôle comme tout devient sensible dès lors qu’on en vient à ce type de sujet. On n’a pas peur d’exposer une partie de soi intime (des photos, des pensées, ce blog…) à des gens qu’on ne connaît pour certains que « virtuellement », ou d’autres que superficiellement (non, je n’ai pas 1100 amis proches sur Facebook), alors qu’on a une pudeur des sentiments ridicule vis à vis de son propre fils. On n’est pas mal à l’aise si éventuellement on n’est pas dans la situation la plus favorable (ça arrive, tout le monde est humain), alors qu’on ne voudrait pas casser cette image de super héros qu’on a plus ou moins volontairement construite auprès de ses enfants. En même temps à 13 ans, c’est aussi l’âge où on apprend à sortir de l’enfance, à relativiser les choses, à descendre ses parents de leur piédestal, à grandir en quelque sorte. Même s’il ne s’agit pas d’accélérer volontairement ce processus, une vision d’une vérité (Facebook n’est pas LA vérité non plus) différente n’est pas forcément néfaste après tout, tant qu’on reste dans la limite du raisonnable bien sûr…

Mais du coup ça commence quand cette phase? Dans quelques années? Quelques mois? Quoi? Ca a déjà commencé? Vous voulez dire que Benjamin est déjà en train de lire ce billet, au moment même où je le poste? Peut-être bien en fait… Benjamin, file dans ta chambre et fais tes devoirs IRL s’il te plaît! Et travaille bien l’allemand en particulier! Tu sais à quel point ça me tient à coeur…