RMC Sport: chronique du désastre annoncé du libéralisme sauvage

Ce 18 septembre 2018 est à marquer d’une pierre blanche. Pour la première fois sûrement dans l’histoire de ce pays, personne ou presque n’a vu LE match de phase de poules de  LA compétition majeure DU sport majeur: le fameux Liverpool-PSG.

LE match parce qu’a priori, n’en déplaise aux Italiens (Naples) et surtout aux Serbes (Etoile Rouge de Belgrade), Liverpool, finaliste 2018, est le concurrent majeur du PSG pour la qualification dans ce groupe. LE match parce que ça se jouait… à Liverpool, à Anfield, le Kop, les Reds, l’enfer rouge, Keegan, Fairclough, Dalglish, Rush, Owen, Gerrard, Salah, Sané, etc…. L’endroit où Bathenay n’a pas suffi en 1977 pour St-Etienne, l’endroit où Valbuena a régalé 30 ans après, etc… Et RMC Sport ne pourra pas me faire changer d’avis: il reste 5 matches de poule pour le PSG, dont 3 au Parc, mais s’il y avait un match à voir, c’était bien celui-là. Et je ne dis pas ça uniquement a posteriori pour avoir entendu (et non vu) à la radio cette délicieuse défaite dans les arrêts de jeu.

LA compétition majeure parce que, honnêtement, la Ligue 1 ne vaut plus rien maintenant que le PSG termine champion tous les ans en mars. Ok je regarde les matches de l’OM (sur Canal puisque c’est systématiquement un premier choix, ce qui me fait penser d’ailleurs que mon abonnement Bein ne me sert plus à rien), je frissonne à peine devant les OM-PSG, voire OM-OL. Mais sinon… Le seul moment qui me réjouit vraiment, c’est février ou mars, cette fin d’hiver languissante où le PSG, éternel champion d’automne, ne voit jamais le printemps. En Ligue des Champions. LA compétition majeure…

En attendant ce grand jour de fin d’hiver (à « voir » sur RMC Sport donc!) le football a peu d’importance. Ou plus. Alors donc, les prémices de cette grande émotion étaient à vivre hier soir.  Soyons franc, je n’ai pas voulu m’abonner. Parce que franchement la coupe est pleine, entre Internet, Canal, Bein (et encore je ne suis pas abonné Netflix, je le pirate…). Parce qu’également les abonnements « digitaux » pour les non-abonnés SFR (Drahi, tu peux crever pour que je vienne chez toi et cède à ton chantage pour la box et le mobile), ça ne marche pas, tous les spécialistes te le disaient déjà avant (j’avais lu, je m’étais informé). Et parce que franchement, pour mettons 4 matches dans l’année, c’est plus cher qu’un repas chez Lasserre… Donc pas abonné, j’hésite entre le 50/50 (regarder, pas regarder), l’appel à un ami (abonné, mais je n’en connais pas) ou le vote du public entre : un bon lien streaming, un bar/pub à la con qui retransmet, l’Equipe TV avec Yohann Riou qui gesticule et Maison A Vendre sur M6… Je finis par faire un mélange de tout ça, voir des images sur un stream russe pour la deuxième mi-temps sur mon Ipad avec 2 mn de retard sur live pendant que je reste ébahi devant la chorégraphie de Yoann Riou et que je commence à voir sur Twitter et Facebook les cris d’orfraie des mecs qui ont payé, eux.

Eh oui je n’ai aucune excuse, je n’ai pas payé. Mai eux si. 19€ par mois en abonnement « digital ». Qui plante. Qui plante grave. Avec aucune hotline. Aucun service client. Rien… Catastrophe industrielle. Communication de crise. Effet boomerang. Après le hold-up sur la Premier League et le peu d’effet rebond généré, Drahi pensait bien avoir trouvé là son produit d’appel. Et n’avait pas hésité à balancer 370M€ dessus. 370M€… 2 fois le prix précédent. Un investissement rentabilisable en 50 ans à peu près… Les déclarations d’aujourd’hui sont surréalistes: « on escomptait un afflux de connexions, mais pas à cette hauteur ». Mais bougre de crème d’andouille, tu connais le foot ou quoi? Tu pensais quoi? Que les mecs qui ont le culot de s’abonner voulaient mater Apollon Limassol – Dinamo Zagreb? Si tu n’as pas un afflux de connexions là, tu l’auras quand? Et le multi-canal, tu y as pensé? Le fait que les rares mecs abonnés refilent leurs login / mot de passe à leurs potes dans la mouise et te génèrent automatiquement  3 à 5 fois plus de connexions que prévu, tu y as pensé?

La morale de cette pauvre histoire, c’est que la Ligue des Champions, et le football en général, ont une histoire. Et quelle histoire. Mais plus de morale. Longtemps j’ai cru que le football allait tuer le football. Que trop de matches à la télé allait finir par en tuer l’intérêt, le sel, et que je serais gavé. C’est l’inverse qui se produit. Je suis gavé par la FIFA, l’UEFA et ces abrutis financiers à la Altice qui se gavent (pour l’instant…) sur le dos du (bon et grand) public en faisant payer très cher pour… rien. Gavé par le fait que, même en payant, on ne voit plus rien du plus beau sport qui existe. Dans Ridicule, le sublimissime film de Patrice Leconte de 1996, un noble ridiculisé quitte la cour pour aller se pendre sur ces mots: « Louis, roi de France, n’oublie pas que c’est cette noblesse que tu humilies qui t’a fait roi! ». Je ne vais pas aller me pendre, je vais juste me désintéresser de l’affaire. comme une grande partie du public. Parce qu’ à force d’être pris pour des jambons par des amateurs vénaux qui ne comprennent rien au véritable amour populaire pour ce sport, on sera nombreux je l’espère à leur dire: « RMC, SFR, UEFA, rois des médias et du sportainment, n’oubliez pas que c’est ce public que vous méprisez qui vous a fait rois! ». Dansons la carmagnole, vive le son, vive le son…