Vu la date de ce post (28/04), vous pouvez penser que je parle de la présidentielle. Erreur funeste: a priori (et il sera toujours facile de revoir tout ça a posteriori et de me couvrir de ridicule), l’affaire est pliée et finira au pire du pire à 58/42, voire, allez, 55/45. Arithmétiquement c’est impossible, et les cris d’orfraie que j’entends ici et là sur l’abstention différenciée ne me feront pas changer d’avis; certes il y aura beaucoup d’abstentionnistes parmi les mélenchonistes, beaucoup moins à mon avis chez les fillonistes, mais peut-on envisager, ne serait-ce qu’une seconde, que, parmi les « vrais votants », une majorité de ces électeurs de premier tour choisissent MLP vs Macron? 15% des Insoumis, 30% des LR via Sens Commun, etc…, mais vs 50% pour Macron. Le statu quo de départ ne suffirait pas à MLP, il lui faudrait renverser la table et l’opinion d’une majorité (absolue) de ces électeurs pour avoir une chance. Ne jamais dire jamais, rester vigilant, etc…, mais bon… (see mon post précédent).
En revanche, et c’est là que le bât blesse, la présidentielle est suivie de législatives, et, en dehors de missions régaliennes particulières dévolues au Président, c’est là véritablement que s’exerce le pouvoir, et c’est de là que sera issu le Premier Ministre. Attardons-nous un instant sur ces législatives. 577 circonscriptions (les circos en langage politique) et, a priori, 577 candidats En Marche, et ce d’autant plus si Manu est Président. Mais aussi 577 candidats FN (ou Bleu Marine comme ils disent, c’est plus propre). Ca c’est sûr. Et pour le reste? Des LR oui, mais sans chef, sans énergie, sans élan. Des PS sûrement, mais comme les LR en 3 fois pire (3 = 19,5% / 6,3%). Des insoumis? Lesquels? Des Communistes, des FDG, des je ne sais quoi? Dégoûtés de la politique, abstentionnistes du 2ème tour, lâchés par leur « leader minimo » au silence assourdissant, ils iront à la bataille en ordre dispersé et clairsemé.
Donc à venir: des combats EM /FN locaux (bis repetita du 2ème tour) mais… avec 577 enjeux individuels, 577 implantations de terrain, et les 2 ou 3 composantes de la vie politique traditionnelle française pour arbitrer. Situation intenable pour le PS et les LR: présenter des candidats leur est indispensable pour surnager dans la tempête et… les maintenir au second tour le leur sera tout autant quand ce sera possible. Ils ne pourront pas, cette fois, faire ce qu’ils murmurent du bout des lèvres et appeler au Front Républicain, faute d’être complètement dissous…
Et donc, s’ils se maintiennent parce qu’ils ne peuvent faire autrement (ce qui n’exclut pas des désistements locaux et isolés, au risque d’être mis au ban de son propre parti, un comble…), on aura un nombre incalculable de triangulaires, voire de quadrangulaires. Cette simulation (ici) montre bien, même si c’est un copier-coller des votes du premier tour et que les choses changeront d’ici là, que c’est le FN qui est en tête dans nombre de circos et de départements, et que les triangulaires et quadrangulaires sont tout à son avantage. Qui plus est, Macron, à la recherche d’une majorité présidentielle introuvable dans l’absolu quand, comme lui, on n’ a pas d’histoire, pas de parti, pas d’implantation, etc…, continuera de se poser en dynamiteur des frontières traditionnelles et lorgnera vers les miettes de droite et gauche dans une folle étreinte qui ressemblera à un baiser de la mort.
Résultat: soit un grand parti « de la raison » avec EM, les miettes de LR et PS, bref une sorte de formalisation concrète de l’UMPS chère au FN, donc alimentant sa cuisine électorale, et de chaque côté les extrêmes que sont le FN et les Insoumis (inorganisés et démoralisés, rappelons-le, et avec en tête plus un 3ème tour social et manifestant qu’une bataille électorale ploutocrate). Soit une guerilla locale et des suites d’escarmouches entre une force d’occupation (EM) et des résistants harceleurs et harcelés (les vieux partis traditionnels). Dans les deux cas, et faute d’une organisation digne de ce nom de la gauche mélenchoniste, le FN n’aura qu’à se baisser pour renvoyer tout le monde dos à dos et tirer les marrons du feu. A commencer par une majorité, au moins relative, aux législatives de juin.
C’est un dilemme cornélien, un truc kafkaïen pour les partis historiques, pour qui aucune position politique n’est bonne. Mais, en créant En Marche et en en démontrant l’efficacité via sa future victoire le 7 mai, Macron concrétise l’UMPS et offre paradoxalement un futur boulevard au FN. Etait-ce son intention? Evidemment pas. Mais ça devient grave. Et, pour le coup Manu, « c’est pas ton destin », c’est le nôtre qui est en jeu.